Michael Whitaker : le sang des grands cavaliers
« Cest un prince », murmure admirative Muriel, une monitrice déquitation, en regardant son idole effectuer un parcours de sauts. Michael Whitaker na pourtant pas exactement le style dun prince charmant. Physiquement dabord. Il est petit, à moitié chauve, portant un jean simple et un pull lorsquil narbore pas la traditionnelle tenue de concours (pantalon blanc, bottes, chemise et veste.) Cela dit, on peut lui accorder plus de classe que certains autres cavaliers, car il prend le temps de se changer après ses épreuves, avant de rejoindre son endroit favori : le bar. En général, son frère John ly attend déjà un verre de vin rouge à la main. Mais Michael préfère la bière, il fut un temps où il lappréciait même un peu trop dailleurs: « Fallait voir, il rentrait complètement allumé, démolissait la porte de la chambre dhôtel » raconte un cavalier de léquipe de France. « Il a le vin mauvais, cest connu, encore quil a pas mal diminué ces derniers temps », admet une journaliste dEquidia (la chaîne du cheval).
Le cavalier métamorphosé par la paternité
Effectivement, il a dû ralentir lalcool, car à côtoyer Michael aujourdhui, difficile dimaginer un personnage effrayant. Au contraire, il est lun des seuls cavaliers internationaux à rester simple, tout en étant conscient de lenjeu des concours. Là où les allemands détenteurs du plus grand nombre de places au top niveau- ne discutent pas, et quittent rapidement les terrains de concours, Michael Whitaker prend du temps pour se détendre, souriant, amusant et débordant daffection.
Une affection toute tournée vers sa famille, et ses trois enfants en bas âge. « Cest lanniversaire de mon petit garçon aujourdhui, et je ne suis même pas là », avoue-t-il tristement. La paternité la fait mûrir. « Jai vendu un très bon cheval, cela ne ma pas amusé, bien sûr, cétait seulement pour largent. Il faut que je prenne soin de ma famille. » Lucide, il entrevoit le poids dune vie de cavalier international, ne restant à la maison que deux ou trois jours par semaine, à la merci des sponsors et de létat de santé des chevaux Ses écuries sont basées en Angleterre, près de Nottingham. Elles comptent près de 30 chevaux dont certains appartiennent aux trois jeunes cavaliers qui travaillent pour Michael. Il a embauché le fils dun de ses anciens collègues de léquipe britannique. Il laide à dresser les chevaux et en échange bénéficie des cours du champion, afin de gagner à son tour le top niveau. « Jaime bien enseigner en général, mais je nai vraiment pas beaucoup le temps cest selon les circonstances. » précise le Grand Cavalier.
La famille dabord
Michael Whitaker est sincère en amitié et complètement solidaire envers sa famille. Son frère John est pour ainsi dire son meilleur ami, mais le bonheur est complet lorsque Steven, le troisième Frère les rejoint. Aucune concurrence nest perceptible au sein de la famille, même au sujet dEllen Whitaker, la fille de Steven, âgée de 19 ans et qui sest déjà qualifiée pour le championnat dEurope de sauts dobstacles en 2005. Michael en parle avec son humour habituel et beaucoup de tendresse : « Ellen, cest la nièce de John, ma nièce, notre nièce quoi, oui elle se débrouille très bien. » Il suffit dévoquer quelques bons souvenirs équestres auprès de sa famille pour que le naturel joyeux de Michael Whitaker revienne au galop. Terminé les doutes existentiels sur la cruauté du métier, après tout cest plus quun choix, cest une passion.
Qualifié pour le grand Prix du dimanche, Michael savoure sa joie la veille du grand jour. « Je veux un bisou pour mencourager ! » : voilà le résumé de ses propos lors des soirées hippiques et épiques quil ne rate jamais. Appuyé au bar, il rigole avec son frère, accoudé en face de lui. Autour deux, les plaisanteries fusent : « comment on va faire pour les ramener à lhôtel ? Il faudrait enlever le bar très vite pour quils tombent tête contre tête et puissent se tenir lun à lautre », lance un organisateur du concours de Genève. Un tel stratagème est inutile.
Un cavalier qui garde le cap
Michael sait ce quil fait, sa détermination transpire à travers lui à chaque instant. Il suffit dentendre cette façon étrange quil a de respirer. Chacune de ses expirations se fait par le nez. Régulières et rapides, il sen dégage une énergie redoutable. Ce même flux est perceptible lorsquon lui tient la main. Celle-ci reçoit une sorte de câble énergétique courant le long de son bras. Les légères vibrations sont si denses, quelles permettent de déterminer avec certitude la marque de sa volonté. Gageons que cela lui sert à cheval. Impossible dhésiter sur laction à mener. Et dailleurs, ses parcours en sont la preuve : il est lun des plus rapide cavaliers au monde, les chevaux sont toujours dans le mouvement, en avant, à limage de leur cavalier en somme.
Cest un prince de léquitation qui na rien à envier aux autres membres de sa famille. « Je lai vu arriver en retard à un concours, il na pas eu le temps de reconnaître lenchaînement des obstacles avec les autres, et il a gagné quand même ! » raconte le directeur commercial dune sellerie.
Prince Michael contre Roi John ? Non. Ils se complètent et laissent libre court à leur « feeling ». Michael garde le cap, avec en ligne de mire les jeux mondiaux dAix-La-Chapelle en août 2006. Si il se retrouve dans léquipe britannique avec son frère, « ça serait vraiment mieux. »